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30 juin 2025Lettres et allocutions

Droit au logement : les 1ers juillet se suivent, mais ne devraient plus se ressembler

Une rangée d'immeubles en briques avec des escaliers en métal et des plantes luxuriantes le long du trottoir
Cette lettre a été publiée dans Le Devoir le 30 juin 2025, à la veille de la journée des déménagements au Québec. Elle s'inscrit dans une série de lettres ouvertes soulignant les 50 ans de la Charte des droits et libertés de la personne.

Un propriétaire refuse de louer à une personne autochtone. Le règlement d’un HLM pénalise une personne en situation de handicap inscrite à un programme d’aide sociale. Une mère monoparentale se voit refuser un logement en raison de son état civil.

Ces exemples pourraient avoir été tirés de l’actualité récente. Pourtant, ils figurent dans le tout premier rapport annuel de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, publié en 1976.

Un an auparavant, le 27 juin 1975, l’Assemblée nationale adoptait à l’unanimité la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. En ce 50e anniversaire de cette loi fondamentale, force est de constater que les enjeux d’accès en pleine égalité au logement demeurent tristement d’actualité. Et que les 1ers juillet, synonymes de déménagement et de précarité pour des milliers de locataires, continuent de refléter une crise qui est loin de s’estomper.

Une atteinte à de nombreux droits 

Fortement inspirée du droit international, la Charte québécoise demeure la seule au Canada à consacrer un chapitre aux droits économiques et sociaux. Elle protège, par exemple, le droit à l’instruction publique gratuite ou le droit à des mesures d’assistance financière et des mesures sociales susceptibles d’assurer un niveau de vie décent.

Le droit au logement n’est pas nommé explicitement, mais il est inclus dans ce droit à des mesures permettant à toute personne d’atteindre un niveau de vie décent.

La Charte interdit également la discrimination dans le secteur du logement, tant lors de l’affichage, de la sélection des locataires, de la signature du bail, qu’en cours de bail et au moment de la fin ou du renouvellement de celui-ci.

Le droit au logement est aussi indissociable de plusieurs autres droits protégés par la Charte. Comment, par exemple, garantir le droit à la sûreté et à l’intégrité d’une personne vivant dans un logement insalubre ou qui se retrouve en situation d’itinérance ? C’est pourquoi on dit que tous les droits garantis par la Charte sont interdépendants et indivisibles.

Dit plus clairement, le mal-logement est susceptible d’entrainer des entraves à plusieurs droits protégés par la Charte.

Un bilan assombri

Les politiques publiques en matière de logement n’ont pas connu un parcours linéaire au cours des 50 dernières années ; certaines ont contribué à la reconnaissance de ces droits, tandis que d’autres ont plutôt entraîné des reculs.

La situation actuelle assombrit toutefois le bilan des engagements auxquels la Charte conviait — et convie toujours — la société québécoise et ses représentants. La crise du logement généralisée et persistante, qui sévit depuis plusieurs années dans toutes les régions du Québec, est inédite tant par l’ampleur et la diversité de ses manifestations que par l’intensité des conséquences qui en découlent, particulièrement pour les ménages locataires à faibles revenus.

Les principaux indicateurs parlent d’eux-mêmes. Rappelons notamment que, selon les dernières données disponibles, 173 000 ménages locataires vivant au Québec ont ce que l’on appelle des besoins impérieux en matière de logement. Cela signifie qu’ils consacrent plus de 30 % de leur revenu total avant impôt à se loger, qu’ils résident dans un logement qui nécessite des réparations majeures, ou encore que leur logement ne dispose pas du nombre de chambres jugé adéquat.

Et ce chiffre n’inclut même pas les personnes en situation d’itinérance visible ou invisible. Bien que la démarche ne permette pas d’estimer l’ampleur total du phénomène, le dernier rapport public du dénombrement des personnes en situation d’itinérance visible au Québec révélait une augmentation de 44 % depuis 2018. Les résultats d’un nouveau dénombrement, effectué en avril 2025 ne sont pas encore disponibles, mais force est de constater que la situation demeure inquiétante.

Pour une mise en œuvre effective du droit au logement

Afin de résoudre la crise du logement, il faut tenir compte de l’ensemble de ses causes. La Commission a produit plusieurs travaux sur le sujet.

Elle y a constaté que l’encadrement législatif et réglementaire, de même que les politiques publiques actuellement en vigueur en matière de logement social, ne permettent pas de rééquilibrer efficacement le rapport de force entre locateurs et locataires. Il en découle, entre autres, un manque grandissant de logements réellement abordables.

Les solutions sont pourtant connues. Elles doivent être durables, pensées dans une perspective interministérielle et systémique, et accompagnées de mécanismes appropriés de reddition de comptes ainsi que d’évaluation de leur impact sur les droits garantis par la Charte.

À ce chapitre, il est crucial de souligner la nécessité de rehausser le financement du logement social à la hauteur des enjeux et des problèmes sociaux liés au mal-logement. Pour répondre adéquatement aux besoins divers, ce financement devrait viser la mise en œuvre de logements sociaux de différents types : logements familiaux, avec ou sans soutien communautaire, OSBL, HLM, coopératives, maisons de chambres, etc. La pleine reconnaissance des organismes œuvrant auprès des nombreuses personnes en situation de mal-logement apparaît également primordiale à cet égard.

Enfin, alors que nous soulignons le 50e anniversaire de la Charte, une inscription explicite du droit au logement à ce texte fondamental enverrait un signal clair d’une volonté de réorienter les politiques publiques dans un sens favorable à la pleine réalisation de ce droit.


Myrlande Pierre, vice-présidente responsable du mandat charte

Marjorie Villefranche, membre de la Commission des droits