Les droits des élèves HDAA
Les organismes et les personnes qui ont à cœur la défense des droits des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage ont été invités à participer à un colloque rassembleur organisé par la Commission le 8 novembre dernier pour :
- Faire le point sur leur situation.
- Dégager des pistes de solution durables pour garantir leur droit à l’instruction publique.
Présentation détaillée
Synthèse du colloque (PDF)
Vidéo du colloque
Les élèves en situation de handicap ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (HDAA) constituent 24 % de tous les élèves qui fréquentent le réseau scolaire public québécois. Cette proportion s'élève à 34% lorsqu'il s'agit des élèves inscrits au niveau secondaire du réseau public.
Les services éducatifs doivent donc être adaptés en tenant compte de leurs besoins et de leurs capacités, à tous les niveaux (préscolaire, primaire, secondaire, collégial, formation professionnelle).
Comme tous les autres élèves, les élèves HDAA ont le droit d’avoir accès à des services éducatifs qui favorisent leurs apprentissages et leur réussite.
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Qui sont les élèves HDAA?
Lorsqu’on parle d’élèves HDAA, on fait référence à des élèves avec, par exemple :
- Une déficience intellectuelle (modérée, sévère ou profonde)
- Une déficience motrice (légère, organique, grave)
- Une déficience langagière
- Une déficience visuelle
- Une déficience auditive
- Des troubles du spectre de l’autisme
- Des troubles relevant de la psychopathologie
La situation des élèves HDAA en quelques chiffres
Entre 2001 et 2016, dans le réseau public d’éducation québécois (préscolaire, primaire et secondaire) :
La clientèle des élèves HDAA a connu une croissance de 71,8 %
- alors que la clientèle globale des commissions scolaires a connu une baisse de 9 %
- cette hausse est davantage marquée dans les commissions scolaires anglophones, ainsi que dans celles qui sont situées dans la région métropolitaine de Montréal
La proportion d’élèves HDAA est en progression constante
- elle est passée de 10,8 % (2001-2002) à 20,4 % (2015-2016)
- elle est encore plus élevée au secondaire, où 1 élève sur 4 (26 %) se trouvait dans cette situation
Certaines catégories d’élèves HDAA ont connu un hausse très importante
- troubles envahissants du développement (+628,4 %)
- déficience langagière (+316,9 %)
- troubles relevant de la psychopathologie (+262,7 %)
Certaines catégories d’élèves HDAA ont connu un baisse importante
- déficience intellectuelle profonde (-44,1 %)
- déficience intellectuelle modérée à sévère (-33,6 %)
- déficience visuelle (-16,8 %)
- déficience auditive (-26,0 %)
Les lois qui garantissent les droits des élèves HDAA
- La Charte des droits et libertés de la personne - l’ensemble des intervenants du réseau scolaire québécois est tenu, en vertu des articles 10, 12 et 40 de la Charte, d’offrir des services éducatifs sans discrimination à tous les élèves.
- La Politique de l’adaptation scolaire - elle précise les grandes orientations ministérielles. Adoptée en 1999, elle n’a fait l’objet d’aucune révision depuis.
- La Loi sur l’instruction publique - elle préconise l’approche individualisée des besoins et capacités des élèves HDAA.
L'inclusion scolaire
Inclure les élèves HDAA dans les mêmes classes que tous les autres élèves (les classes « ordinaires ») est le moyen qui a été privilégié au Québec.
L’inclusion scolaire permet notamment de faciliter leurs apprentissages et leur insertion sociale. -
L'étude systémique de la Commission
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a mené une étude systémique basée sur de nombreuses données administratives colligées par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et par les commissions scolaires. Elle a aussi recueilli les témoignages de près de 150 personnes : membres de directions des commissions scolaires et de directions d’établissements, personnel spécialisé, personnel de soutien ainsi que d’enseignantes et d’enseignants, parents et protecteurs de l’élève.
Les objectifs de l'étude :
- Dresser un portrait global de l’intégration scolaire des élèves HDAA dans l’ensemble du réseau scolaire public du Québec.
- Évaluer si l’organisation des services destinés à ces élèves a permis de favoriser leur réussite et d’en arriver à un plus grand respect de leur droit à l’égalité dans l’accès à l’instruction publique gratuite.
Les signaux alarmants qui nous ont poussé à faire cette étude
Parmi les signaux alarmants qui nous ont menés à faire cette étude :
- L'augmentation du nombre de plaintes reçues pour discrimination d’élèves HDAA depuis 1999, l’année du dévoilement de la Politique de l’adaptation scolaire.
- Le faible taux de diplomation des élèves HDAA : près de 40 % de ces élèves quittent encore aujourd’hui le secondaire sans diplôme, ni qualification.
À titre comparatif, seulement 8,7 % des élèves dits « réguliers » vivent la même situation. Ce faible taux de diplomation réduit considérablement les possibilités d’insertion sociale et professionnelle des élèves HDAA.
Nos constats : peu de changements depuis 20 ans
Vingt ans après l'adoption de dispositions visant les élèves HDAA dans la Loi sur l’instruction publique et la Politique de l'adaptation scolaire, le Québec n’est toujours pas parvenu à assurer des services adaptés à tous les élèves HDAA. En effet,
- Les parents aussi vivent de nombreuses difficultés et se sentent peu informés par le milieu scolaire, sur les décisions qui sont prises relativement à la scolarisation de leur enfant.
- Plusieurs secteurs de formation et services souffrent d’un manque de ressources pour procéder aux adaptations nécessaires à ces élèves : la formation professionnelle, la formation aux adultes, les services de garde, etc.
- Une bonne partie du réseau scolaire continue à ne pas suivre ou peinent à suivre les orientations du ministère et, de ce fait, ne favorisent pas le respect du droit à l'égalité des EHDAA.
- L'évaluation individualisée n'est pas menée correctement dans plusieurs milieux. Les élèves HDAA ne reçoivent donc pas les services qui devraient répondre réellement à leurs besoins et leur permettre d'atteindre leur plein potentiel.
- Le personnel spécialisé œuvre essentiellement à l'évaluation diagnostique, nécessaire pour obtenir le financement des services destinés à l'élève. Cela ne laisse pas beaucoup de place pour intervenir directement auprès des élèves, contribuer à la mise en place des mesures d'adaptation qui leurs sont destinés et soutenir les enseignantes et enseignants dans cette tâche.
- Les nombreux témoignages que nous avons recueillis expriment un essoufflement du système au regard de leur obligation face aux élèves HDAA. Indépendamment du statut des personnes au sein des commissions scolaires (de la direction générale aux employés de soutien, en passant par le personnel enseignant et le personnel spécialisé), il y a l'expression de plusieurs dysfonctionnements qui nuisent aux élèves HDAA.
- Plusieurs parcours de formation restent peu accessibles aux élèves HDAA, en raison de l'absence de ressources (formation professionnelle, formation aux adultes, etc.) ou, comme c'est le cas avec les programmes éducatifs particuliers (éducation internationale, sports-études, arts-études, etc.), de critères d'admission sélectifs.
Nos recommandations : la bonne volonté ne suffit pas
Après avoir analysé en profondeur l’organisation des services qui sont offerts aux élèves HDAA, la Commission conclut que d’importants changements sont nécessaires pour assurer le respect du droit à l’égalité de ces élèves. En effet, le milieu scolaire a démontré sa bonne volonté pour adapter ses services aux élèves HDAA, mais la bonne volonté ne suffit pas.
Selon la Commission :
- Un leadership solide doit être exercé par le ministère et être portée à tous les niveaux de décision, jusqu'à l'enseignante ou l’enseignant dans sa classe.
- Les moyens doivent être au rendez-vous pour adapter les services et ce, partout où l'élève sollicitera des services de l'école.
La Commission propose donc 22 recommandations s’adressant :
- Au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur
- Aux commissions scolaires
- Aux directions d’établissements d’enseignement
Ces recommandations touchent :
- Le leadership en matière d’adaptation scolaire
- L’organisation des services et la répartition des ressources au sein des commissions scolaires
- Le soutien et la formation du personnel scolaire
- L’évaluation des besoins et des capacités des élèves HDAA
- Le cheminement scolaire des élèves HDAA et la continuité des services offerts
- Les parcours de formation offerts aux élèves HDAA
- L’accommodement des élèves HDAA en contexte d’évaluation des apprentissages
- La prise en compte des particularités propres à chaque milieu dans l’organisation des services destinés aux élèves HDAA
- Les recours en cas d’atteinte aux droits des élèves HDAA
Une étude inédite
- L’ampleur des données analysées qui portent sur l'évolution des conditions de scolarisation des élèves HDAA de 2001 à 2016;
- L’analyse détaillée de l'organisation des services dans cinq commissions scolaires, sélectionnées selon des critères qui permettent d'en assurer la représentativité;
- Elle est la seule étude d'envergure réalisée au Québec qui porte spécifiquement sur le respect du droit à l'égalité de tous les élèves HDAA, et non pas d'une seule catégorie d'élève handicapé.
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Témoignages et vidéos
Les droits des élèves HDAA vus par...
Un père«...les gens ne savent pas ce que c’est un enfant Asperger et comment agir correctement avec lui. On n’a pas donné à ces profs-là le minimum de bagage pour qu’ils sachent à qui ils ont affaire, alors ils jugent sans connaître et ne font pas forcément toujours les bon choix pour l’élève, ni ne vont chercher les bonnes ressources pour les aider. La conséquence ultime de tout ça, c’est que mon gars ne se sent pas appuyé comme il devrait l’être, qu’il se démotive et qu’il ne peut pas donner le meilleur de lui-même. »
— Père d’un élève HDAA fréquentant une école primaireUn directeur
« L’impulsion doit partir du plus haut niveau. Si dans la formation du personnel de direction des écoles, on faisait une place plus grande à l’adaptation scolaire, ce serait plus facile de mettre l’adaptation des services au cœur des priorités de tous les gens qui travaillent dans l’école, et de mettre en place des services qui respectent les droits des élèves handicapés. »
— Directeur d'une école secondaireUne mère
« Ma fille n’arrête pas d’avoir la trisomie quand la cloche sonne à 15h30, tout de même! La trisomie, elle vit avec 24 heures sur 24! Si elle a des mesures d’adaptation pendant ses cours, je ne comprends pas pourquoi elle n’en aurait pas au service de garde qu’elle fréquente le matin, le midi et le soir. »
— Mère d’une élève HDAA fréquentant une école primaireUne orthophoniste
« Il y a un réel manque de ressources (enseignants en orthopédagogie, techniciens en éducation spécialisée, orthophonistes, psychologues) dans certains milieux afin de soutenir de façon efficace les enseignants qui accueillent des élèves HDAA ainsi que de soutenir l’élève et sa famille. »
— OrthophonisteUne coordonnatrice
« Les budgets qui sont octroyés par le ministère ne sont pas toujours adaptés aux réalités des régions défavorisées et éloignées des grands centres, et ça ne permet pas d’embaucher un nombre suffisant de spécialistes pour venir en aide aux professeurs. »
— Coordonnatrice des services éducatifs complémentairesUne enseignante
« Dans ma formation initiale, j’ai acquis bien peu de connaissances ou de compétences relatives aux EHDAA. Il me semble que ma formation à l’université ne m’a pas du tout préparée à la clientèle que j’allais avoir devant moi, tous les matins. Je reçois également plusieurs stagiaires et aucune ne semble préparée à une clientèle aussi hétérogène, ayant des difficultés d’apprentissage, d’adaptation, d’attention, etc. »
— Enseignante du primaire20 ans d'adaptation scolaire
Il y a vingt ans le Québec adoptait la Politique de l'adaptation scolaire pour assurer des services adaptés à tous les élèves HDAA. Quels en ont été les impacts? Voici différents points de vue de personnes concernées par la question.
Après 20 ans d’application, il faut revoir la Politique de l’adaptation scolaire pour mieux favoriser l’inclusion des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage. C’est ce que disent le professeur Égide Royer de l’Université Laval), ainsi que le président Philippe-André Tessier, la vice-présidente Suzanne Arpin et le commissaire Sylvain Le May de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Sa mère voulait hurler!
Anik Larose voulait hurler : sa fille Marie intégrait une classe régulière au primaire et aurait aimé tenter sa chance au secondaire, mais la commission scolaire lui a « barré le chemin ». Alors que la jeune fille, qui présente une trisomie 21, ramenait à la maison des devoirs de français et de mathématique, désormais, au secondaire, on lui apprend à séparer le linge blanc avant le lavage et à faire son lit.
Monsieur le Ministre
Monsieur le Ministre de l’Éducation, voici nos conseils pour améliorer l’inclusion scolaire des élèves HDAA! Les suggestions du président Denis Leclerc de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, des universitaires Égide Royer et Carl Bouchard, de la coordonnatrice des Muses Geneviève Bouchard, ainsi que du président Philippe-André Tessier, de la vice-présidente Suzanne Arpin et du chercheur Daniel Ducharme, tous trois de la Commission.
L'histoire de Sylvain Lemay
« Je suis un enfant des autobus à plancher bas! » Tout jeune, Sylvain Le May s’est senti enfin compris par la société québécoise le jour où il a pu embarquer dans un autobus modifié pour prendre en compte son handicap. Les accommodements scolaires ne doivent pas être automatiques ni immuables : ils doivent être réévalués selon l’évolution des besoins de l’élève.
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Pour en savoir plus
- Le respect des droits des élèves HDAA et l'organisation des services éducatifs dans le réseau scolaire québécois : une étude systémique
- Communiqué : Une situation alarmante pour les élèves handicapés conclut une étude inédite de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
- Notre position sur l'inclusion scolaire
- Le handicap - motif de discrimination interdit par la Charte
- Enfants en situation de handicap en camp de jour