Passer au contenu principal
Politique de protection des renseignements personnels

Ce site utilise des témoins de navigation afin de vous offrir une expérience optimale.

En savoir plus
A A A

Où souhaitez-vous
partager cette page?

2 février 2022Lettres et allocutions

Lettre sur l'accès aux tests PCR réalisés en clinique de dépistage pour les personnes en situation de handicap

La Commission s’inquiète des conséquences du choix des clientèles priorisées pour avoir accès aux tests PCR réalisés en clinique de dépistage sur certaines personnes en situation de handicap qui devront utiliser les tests rapides distribués en pharmacie pour déterminer si elles sont atteintes de la COVID-19.

PAR COURRIER ÉLECTRONIQUE

Le 2 février 2022


Monsieur Christian Dubé
Ministre de la Santé et des Services sociaux
Ministère de la Santé et des Services sociaux
Édifice Catherine-De Longpré
1075, chemin Sainte-Foy 15e étage
Québec (Québec) G1S 2M1
ministre@msss.gouv.qc.ca


Objet : Accès aux tests PCR réalisés en clinique de dépistage pour les personnes en situation de handicap

Monsieur le Ministre,

Le 4 janvier dernier, votre ministère annonçait qu’en raison de la hausse très importante du nombre de personnes infectées au variant Omicron, les tests PCR réalisés en clinique de dépistage seraient désormais réservés à certaines clientèles jugées prioritaires. Les clientèles suivantes ont ainsi été priorisées[1] :

  • les personnes symptomatiques appartenant aux groupes suivants : patients hospitalisés, patients des services d’urgence, travailleurs de la santé en contact avec des patients, le personnel, les résidents, les fournisseurs de soins essentiels et les visiteurs dans les hôpitaux et les lieux d’hébergement collectif, les patients ambulatoires pour lesquels un traitement contre la COVID-19 est envisagé et les personnes sans abri ou en précarité résidentielle;
  • les personnes issues des communautés des Premières Nations et des Inuits ainsi que les personnes se rendant dans ces communautés pour y travailler;
  • les personnes lors d’une admission ou d’un transfert vers ou depuis un hôpital ou un lieu d’hébergement collectif;
  • les contacts à haut risque et les personnes asymptomatiques ou symptomatiques dans le contexte d’éclosions confirmées ou suspectées dans des milieux à haut risque;
  • les personnes asymptomatiques en milieu hospitalier, dans les établissements de soins de longue durée et les lieux et établissements d’hébergement collectif, conformément aux orientations ou directives provinciales.

Par ailleurs, les personnes qui présentent des symptômes compatibles à la COVID-19, mais dont la situation ne correspond pas à l’une de celles qui sont énumérées ci-haut, doivent dorénavant se procurer les tests rapides qui sont distribués en pharmacie et s’auto-administrer ceux-ci afin de savoir s’ils sont atteints de la COVID-19 ou non. À défaut de pouvoir avoir accès à ces tests, ces personnes sont considérées comme des personnes atteintes et doivent suivre les consignes d’isolement en vigueur.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ne remet pas en question le choix des clientèles qui ont été priorisées pour l’accès aux tests PCR réalisés en clinique. Nous comprenons qu’une pénurie appréhendée des réactifs utilisés dans ces tests justifie le fait de prioriser certains groupes qui vivent ou œuvrent dans des milieux jugés à haut risque de transmission de la COVID-19, tels que les hôpitaux, CHSLD ou RPA, foyers collectifs, prisons et centres correctionnels, refuges pour personnes en situation d’itinérance, communautés nordiques et éloignées, etc. La Commission s’inquiète cependant des conséquences de ce choix pour les personnes en situation de handicap qui ne vivent pas dans ces milieux et qui, par conséquent, devront utiliser les tests rapides distribués en pharmacie pour déterminer si elles sont atteintes de la COVID-19 ou non.

L’utilisation de ces tests peut certainement convenir au besoin de dépistage pour une large part de la population, mais elle apparaît beaucoup moins appropriée pour de nombreuses personnes en situation de handicap qui ne vivent pas dans un milieu visé par les règles de priorisation et qui ne peuvent s’administrer ces tests de façon autonome, en raison de certaines incapacités dont le degré de sévérité peut, selon les circonstances, être relativement important.

À ce sujet, l’Enquête canadienne sur les incapacités (ECI) de 2017 révèle que 16,1% des Québécois et Québécoises de 15 ans et plus présentent au moins une incapacité, ce qui représente 1 053 350 personnes réparties dans l’ensemble des régions administratives de la province[2]. De ce nombre, 41% ont au moins une incapacité qui est considérée grave ou très grave, et qui limite considérablement la réalisation de nombreuses activités quotidiennes[3]. Ces incapacités peuvent également empêcher ces personnes de réaliser de façon autonome certaines actions ponctuelles qui sont nécessaires au maintien de leur état de santé, comme l’administration d’un test rapide pour le dépistage de la COVID-19, par exemple.

Parmi les personnes en situation de handicap qui sont les plus susceptibles de ne pouvoir procéder à l’auto-administration d’un test rapide ou de se buter à d’importants obstacles dans la réalisation de cette tâche, mentionnons notamment les personnes qui présentent une déficience visuelle ou celles qui ont une déficience motrice qui peut autant affecter leur dextérité globale que leur motricité fine. Pour la vaste majorité de ces personnes, il est difficile de procéder à l’administration du test rapide sans le soutien d’une autre personne.

Considérant qu’au Québec plus du quart des personnes en situation de handicap vivent seules[4] et qu’elles sont nombreuses à connaître une situation d’isolement social, la recherche d’une personne apte à administrer un test rapide peut rapidement prendre l’allure d’un parcours du combattant pour ces dernières. Qui plus est, lorsqu’une personne en situation de handicap a la possibilité de compter sur la disponibilité d’une autre personne pour la soutenir dans cette tâche, il n’est pas toujours garanti que celle-ci sera en mesure de procéder à l’administration du test dans des conditions qui assurent l’efficacité du processus et la sécurité de la personne qui subit le test. De multiples raisons peuvent expliquer cette situation, notamment le fait que la personne qui porte assistance présente elle-même des incapacités qui peuvent rendre difficile l’administration du test, mais aussi la possibilité que cette personne puisse ne pas être adéquatement vaccinée et venir potentiellement transmettre la COVID-19 à la personne qu’elle est venue assister.

De telles situations peuvent venir compromettre le droit à la vie, à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté des personnes en situation de handicap qui ne vivent pas dans les milieux jugés à haut risque de transmission de la COVID-19. Ces droits, rappelons-le, leur sont garantis par la Charte des droits et libertés de la personne[5]. L’absence de prise en compte des difficultés que ces personnes rencontrent pour s’auto-administrer le test rapide (ou pour trouver une personne habilitée à les assister dans cette tâche), jumelée à l’impossibilité qu’elles puissent avoir accès au test PCR réalisé en clinique de dépistage, contribuent à ce qu’elles n’aient pratiquement pas d’alternatives pour déterminer si elles sont atteintes de la COVID-19. À défaut de pouvoir obtenir un résultat de test de dépistage, ces personnes se voient par ailleurs contraintes à suivre les consignes d’isolement en vigueur. Cet isolement est indépendant de leur volonté et peut avoir un impact important sur la poursuite de certaines activités essentielles à leur participation sociale : travail, activités d’apprentissage, suivis médicaux, etc. Enfin, nous souhaitons ajouter que le recours à un test PCR réalisé en clinique privée ne saurait représenter une alternative souhaitable pour lever ces obstacles puisque celui-ci occasionne des dépenses qui peuvent être difficiles à assumer pour une forte proportion de personnes en situation de handicap qui vivent dans des conditions socio-économiques précaires. Il n’est pas inutile de rappeler ici que le tiers des Québécois et Québécoises vivant avec une ou plusieurs incapacités disposent d’un revenu inférieur à 15 000$ par année[6].

Dans les circonstances, nous vous demandons d’inclure les personnes en situation de handicap qui ne vivent pas dans les milieux jugés à haut risque de transmission de la COVID-19 parmi les clientèles visées par la priorisation d’accès aux tests PCR réalisés en clinique de dépistage.

Nous vous remercions à l’avance de l’attention que vous porterez à la présente.

Veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de ma considération distinguée.


Le Président,

Philippe-André Tessier



[1] MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX, Pandémie de la COVID-19 – Modifications des priorités de dépistage et de gestion des cas et des contacts, Communiqué de presse, 4 janvier 2022, [En ligne]. 

[2] OFFICE DES PERSONNES HANDICAPÉES DU QUÉBEC. Les personnes avec incapacité au Québec - Un portrait à partir des données de l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017, vol. 1 : Prévalence et caractéristiques de l’incapacité, 2021, p.5 [En ligne].

[3] Id., p. 18.

[4] OFFICE DES PERSONNES HANDICAPÉES DU QUÉBEC, Aperçu statistique des personnes handicapées au Québec - Isolement social, 2021, [En ligne].

[5] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 1 et art. 10.

[6] OFFICE DES PERSONNES HANDICAPÉES DU QUÉBEC, Les personnes avec incapacité au Québec - Un portrait à partir des données de l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2017, Vol. 2 : Caractéristiques sociodémographiques et économiques, 2021, p.13, [En ligne].