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12 avril 2022Lettres et allocutions

Lettre sur le Projet de loi no 29, Loi visant à faciliter le déroulement des prochaines élections générales au Québec

La Commission constate avec satisfaction la volonté du gouvernement de faciliter le déroulement des prochaines élections générales au Québec dans le contexte de la transmission de la COVID-19, mais se questionne sur la suffisance des modalités mises en place pour favoriser le droit de vote de toute personne qui serait en isolement ordonné ou recommandé par les autorités de santé publique en raison de la COVID-19.

PAR COURRIER ÉLECTRONIQUE

 

Le 12 avril 2022

Monsieur André Bachand
Président de la Commission des institutions
Hôtel du Parlement
1045, rue des Parlementaires
RC, Bureau RC 53
Québec (Québec) G1A 1A4
Téléphone : 418 263-0546
Andre.Bachand.RICM@assnat.qc.ca

 

Objet : Projet de loi no 29, Loi visant à faciliter le déroulement des prochaines élections générales au Québec

Monsieur le Président,

Nous avons pris connaissance avec intérêt du projet de loi no 29, Loi visant à faciliter le déroulement des prochaines élections générales au Québec[1], présenté le 23 mars dernier. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse[2] a pour fonction de relever les dispositions des lois du Québec qui seraient contraires à la Charte des droits et libertés de la personne[3] et faire au gouvernement les recommandations appropriées[4]. À ce titre, elle estime nécessaire de vous faire part de ses observations en regard de certaines dispositions du projet de loi.

La Commission constate avec satisfaction la volonté du gouvernement de faciliter le déroulement des prochaines élections générales au Québec dans le contexte de la transmission de la COVID-19, notamment en prévoyant des dispositions particulières applicables aux commissions de révision itinérantes afin qu’elles puissent siéger au même moment que se tient, pour un électeur qui y est admissible, le vote en installation d’hébergement, le vote itinérant ou le vote à son domicile. Aussi, des dispositions élargiraient les modalités de vote par correspondance d’électeurs qui sont plus à risque de développer des complications en cas de contamination à la COVID-19 en raison de leur état de santé et d’électeurs qui sont en isolement ordonné ou recommandé par les autorités de santé publique en raison de la COVID-19.

Les adaptations proposées à la Loi électorale revêtent une grande importance pour la Commission puisqu’elles visent à assurer l’exercice du droit de vote de toute personne légalement habilitée et qualifiée, protégé par l’article 22 de la Charte[5] et consacré en droit international dans le Pacte relatif aux droits civils et politiques[6]. Ce droit implique notamment « la possibilité que chaque électeur puisse exercer son droit de vote périodiquement, librement et secrètement, être candidat aux élections, voter pour le parti de son choix, s’exprimer sur la place publique »[7].

Le droit de vote doit de même s’exercer sans discrimination, c’est-à-dire que toute personne doit pouvoir bénéficier de ce droit sans distinction fondée sur l’un des motifs interdits de discrimination à l’article 10 de la Charte, dont le handicap. Soulignons à ce propos que la Commission estime que les personnes atteintes de la COVID-19 ou présumées l’être peuvent être considérées comme des personnes en situation de handicap, pour qui l’interdiction de discrimination s’applique.

Dans cette perspective et compte tenu de l’importance du droit de vote dans notre système démocratique, la Cour suprême du Canada a reconnu qu’il s’agit d’un droit positif, qui fait peser des obligations concrètes sur le gouvernement afin d’assurer son exercice par les citoyens[8]. Ce faisant, l’État « a le devoir légal d’assurer que tous les obstacles, autant que possible, soient enlevés pour que les citoyens puissent voter »[9].

L’analyse des dispositions particulières applicables aux commissions de révision itinérantes permet de conclure qu’elles favoriseraient l’exercice du droit de vote en toute égalité des personnes en situation de handicap dans les RPA, CHSLD, centres d’accueil et de réadaptation et établissements hospitaliers, conformément aux articles 10 et 22 de la Charte. En revanche, le droit de vote sans discrimination de toute personne qui serait en isolement ordonné ou recommandé par les autorités de santé publique en raison de la COVID-19 risquerait d’être compromis si cet ordre ou consigne était émis en deçà des 8 jours précédant le scrutin. En effet, selon l’article 12 du projet de loi, la demande de voter par correspondance devrait être reçue au plus tard le huitième jour qui précède celui du scrutin. Dans le contexte où plusieurs vagues se sont succédé, il est possible de prévoir qu’un nombre important de personnes pourraient se trouver dans cette situation lors de la prochaine élection.

Ainsi, à l’instar du Directeur général des élections qui a comparu le 5 avril dernier devant la Commission des institutions, la Commission se questionne sur la suffisance des modalités mises en place pour favoriser le droit de vote de toute personne qui serait en isolement ordonné ou recommandé par les autorités de santé publique en raison de la COVID-19.

Dans le cadre des travaux législatifs en cours, il lui apparait nécessaire d’insister sur l’obligation qui incombe au législateur en vertu de la Charte d’explorer toutes les possibilités envisageables pour permettre à ces personnes d’exercer leur droit de vote, sans discrimination, et ce, dans le respect des règles sanitaires en vigueur. Par exemple, serait-il envisageable de permettre à une autre personne que celle qui vote de déposer la trousse de vote par correspondance dans un bureau de vote, le jour du scrutin, une mesure qui contribuerait à réduire le délai fixé pour faire une demande de vote par correspondance, lequel tient compte des délais postaux?

Nous vous remercions par avance de l’intérêt porté à nos commentaires et des efforts déployés afin de favoriser l’exercice du droit de vote de toute personne, incluant celle qui serait en isolement ordonné ou recommandé par les autorités de santé publique en raison de la COVID-19.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués.

 

Le Président,

Philippe-André Tessier

 

c.c.
Mme Sonia LeBel
Ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Réforme électorale
Sonia.LeBel.CHMP@assnat.qc.ca

Mme Astrid Martin
Secrétaire de la Commission des institutions
ci@assnat.qc.ca

 


[1] Loi visant à faciliter le déroulement des prochaines élections générales au Québec, projet de loi no 29, (présentation —23 mars 2022), 2e sess., 42e légis. (Qc) (ci-après « projet de loi n° 29 »).

[2] Ci-après « Commission ».

[3] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C -12 (ci-après « Charte »).

[4] Id., art. 71 al. 1 et al. 2 (6).

[5] L’article 22 se lit comme suit : « Toute personne légalement habilitée et qualifiée a droit de se porter candidat lors d’une élection et a droit d’y voter. »

[6] Pacte international relatif aux droits civils et politiques, (1966) 999 R.T.N.U. 171, R.T. Can. 1976 n° 47, art. 25 : « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables :[…] 1 b) De voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ; [...]. »

[7] Daoust c. Directeur général des élections du Québec, 2011 QCCA 1634, par. 56.

[8] Haig c. Canada (Directeur général des élections), [1993] 2 R.C.S. 995, 1032.

[9] Hughes c. Élections Canada, 2010 TCDP 4, par. 40.