Enfant décédée à Granby en 2019 : des manquements à toutes les étapes du processus
Montréal, le 11 août 2020 — La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a terminé l’enquête de sa propre initiative concernant une enfant décédée dans la région de Granby au printemps 2019. Cette enquête a révélé des manquements à toutes les étapes du processus clinique et légal qui visaient à protéger la jeune victime. La Commission a rendu publiques aujourd’hui les recommandations systémiques de son rapport dont certaines rappellent des demandes répétées de la Commission au fil des années.
« Combien d’enfants devrons-nous encore pleurer, combien d’enfants allons-nous laisser être victimes de maltraitance, victimes de notre tendance à banaliser l’inacceptable? Quand notre système de protection, au-delà des mots, prendra-t-il le parti des enfants et de leurs droits? » s’est indignée Suzanne Arpin, vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.
Afin d’assurer l’intégrité tant physique que psychologique des enfants dont la situation est prise en charge par le système de protection de la jeunesse et, afin que ne se répètent des drames incompréhensibles, la Commission émet une série de recommandations au ministre et au ministre délégué de la Santé et des services sociaux, au ministre de la Justice, au ministre de la Famille, et à la ministre de l’Enseignement supérieur. La Commission a également transmis ces recommandations à la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse.
Recommandations
La Commission recommande que l’obligation d’une évaluation du lien d’attachement soit systématiquement réalisée et soit inscrite dans la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ), lorsque les délais maximaux de placement sont atteints et qu’un changement de projet de vie est envisagé. Elle réitère en même temps l’un des éléments importants de son mémoire déposé à la Commission Laurent, soit que le point de vue de l’enfant doit être entendu et pris en compte. Cela implique que l’enfant soit rencontré régulièrement, qu’il soit vu physiquement et qu’il puisse s’exprimer librement et confidentiellement auprès des personnes qui interviennent auprès de lui.
La Commission recommande également au ministre de la Santé et des Services sociaux de se pencher sur les conditions de travail des intervenantes et intervenants de la protection de la jeunesse afin de s’attaquer au problème de recrutement et de rétention du personnel. « Les enfants ne devraient pas être victimes des bris de services et des changements répétés d’intervenantes et d’intervenants. Les enfants méritent d’être connus par les personnes qui doivent les protéger et établir avec celles-ci une relation d’aide qui soit de qualité » a commenté Mme Suzanne Arpin.
À la ministre de l’Enseignement supérieur, la Commission recommande la conception d’un programme de formation spécifique à la LPJ et à son application qui serait complémentaire à tous les programmes universitaires pouvant mener à une autorisation d’exercer des pouvoirs du Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ). Elle recommande également de revoir les programmes de formation des éducateurs à la petite enfance afin qu’un module de formation sur la protection de la jeunesse y soit inclus. Ceci afin que les droits des enfants reconnus à la LPJ soient mieux connus et respectés.
Finalement, la Commission recommande de revoir les critères d’accréditation des Centres de la petite enfance (CPE) et d’y inclure des exigences en lien avec la LPJ en plus de s’assurer que tous les centres de la petite enfance du Québec reçoivent une formation sur la LPJ et sur l’obligation de signaler des professionnels. Les DPJ doivent pouvoir recevoir des signalements de ces personnes qui sont directement en contact avec les enfants.
Demandes répétées
Concernant les situations de maltraitance envers les enfants, la Commission rappelle qu’elle est toujours en attente de suivi concernant la recommandation sur la mise en place d’un mécanisme nécessaire au sein des CISSS et des CIUSSS à travers le Québec, visant la concertation d’experts en maltraitance en lien avec les services de la protection de la jeunesse faite dans le cadre de l’enquête systémique du Saguenay–Lac-Saint-Jean en 2017, à la suite du décès d’un bambin.
Depuis des années, la Commission met en lumière, les lacunes du système de protection de la jeunesse. Les personnes qui interviennent auprès des enfants les plus vulnérables du Québec manquent de formation, de support et de supervision. Plusieurs constats ont été émis d’ailleurs lors du dépôt en février 2020 d’un important rapport sur les répercussions de la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux de 2015 sur les services dispensés en matière de protection de la jeunesse de même que dans le mémoire déposé à la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse.
L’enquête de la Commission a été effectuée conformément aux pouvoirs que lui octroie la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). En raison de la nature confidentielle de plusieurs éléments de l’enquête, les portions concernant directement la situation de l’enfant ne sont pas rendues publiques.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse assure le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Elle assure aussi la protection de l’intérêt de l’enfant, ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse. Elle veille également à l’application de la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans des organismes publics.
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Pour information:
Sébastien Otis
514 873-5146, poste 338
sebastien.otis@cdpdj.qc.ca
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