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3 décembre 2020Lettres et allocutions

Présentation de la Commission devant la Comité consultatif sur la réalité policière à l’occasion des audiences publiques sur la réalité policière

Voici l'allocution de Philippe-André Tessier, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Myrlande Pierre, vice-présidente de la Commission responsable du mandat Charte, et de Me Evelyne Pedneault, conseillère juridique à la Direction de la recherche, devant le Comité consultatif sur la réalité policière, le 3 décembre 2020 à Montréal.

Monsieur le coordonnateur et porte-parole du Comité consultatif sur la réalité policière, 

Mesdames et Messieurs les membres du Comité,

Je suis Philippe-André Tessier, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je suis accompagné de Mme Myrlande Pierre, vice-présidente de la Commission responsable du mandat Charte, et de Me Evelyne Pedneault, conseillère juridique à la Direction de la recherche.

Je tiens d’abord à rappeler que la Commission a pour mission d’assurer le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne. La Commission assure aussi la protection de l’intérêt de l’enfant, ainsi que le respect et la promotion des droits qui lui sont reconnus par la Loi sur la protection de la jeunesse. Elle veille également à l’application de la Loi sur l’égalité en emploi dans des organismes publics.

Conformément à son mandat, la Commission a produit de nombreux travaux et formulé d’importantes recommandations en vue d’assurer des normes et pratiques policières respectueuses des droits et libertés. C’est aussi dans cette perspective que la Commission souhaite contribuer à la réflexion en cours sur la réalité policière.

Notre mémoire est divisé en cinq parties que nous présenterons brièvement au cours des prochaines minutes.

D’entrée de jeu, la Commission déplore que le cahier de consultation ne fasse pas référence à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Retenons que c’est en se fondant sur les valeurs fondamentales de notre société, attachées au respect de ces droits et libertés, que le travail policier doit être évalué. La Charte est une loi de nature quasi constitutionnelle dont les articles 1 à 38 ont explicitement préséance sur les autres lois du Québec. En outre, plusieurs dispositions de la Charte établissent des obligations claires qui encadrent le travail policier et qui doivent être au cœur de la réflexion menée.

La première recommandation de la Commission invite donc le Comité à reconnaître explicitement la Charte comme l’un des principaux fondements des orientations qui découleront de la présente consultation.

La deuxième partie du mémoire de la Commission porte sur les attentes de la population quant à l’intervention policière, particulièrement en ce qui a trait aux profilages discriminatoires, aux relations avec les personnes autochtones, au traitement des actes haineux de même qu’aux échanges d’information en matière de maltraitance des personnes âgées ou en situation de handicap et de protection de la jeunesse.

La Commission traite d’abord du racisme et de la discrimination systémiques, du profilage racial, du profilage social et du profilage fondé sur d’autres motifs de discrimination. Ce faisant, elle rappelle que le caractère systémique de ces phénomènes appelle à la mise en œuvre de remèdes systémiques. C’est pourquoi la Commission recommande, par exemple, la fin des interpellations sans motif ou encore la révision des dispositions législatives ou réglementaires, des politiques et pratiques policières qui induisent de la discrimination. Pour abandonner les approches fondées sur la gestion pénale des problèmes sociaux, il importe par ailleurs de s’assurer de financer adéquatement les services de santé les services sociaux et communautaires de proximité.

À cet égard, la Commission recommande notamment au Comité d’inclure, dans les orientations qui découleront de la présente consultation, les recommandations qui visent le secteur de la sécurité publique formulées dans le cadre du bilan qu’elle vient de publier en matière de profilage racial. 

La Commission recommande également au Comité d’intégrer à ses orientations les appels à l’action de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec qui sont en lien avec son mandat. Elle l’invite en outre à y inclure les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées de même que les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation qui touchent son mandat et relèvent de la compétence du gouvernement du Québec.

Toujours dans la deuxième partie de son mémoire, la Commission s’attarde ensuite au traitement policier des actes haineux et réfère le Comité à l’étude qu’elle a rendue publique à ce sujet l’année dernière. Elle y recommande, entre autres, la mise en place par le gouvernement d’un groupe de travail réunissant les services de police, les associations et groupes concernés et les organismes d’accompagnement des victimes, afin de mettre en œuvre des moyens visant à enrayer les obstacles existants lors du signalement des crimes haineux.

Dans la troisième partie de son mémoire, la Commission souligne par ailleurs les conséquences importantes sur les droits et libertés de la personne qu’emporte le recours à de nouvelles technologies de surveillance et de prédiction par les services de police. Référons par exemple à la reconnaissance faciale, aux caméras corporelles, à la surveillance téléphonique et aux autres technologies algorithmiques. L’utilisation de ces technologies est susceptible d’avoir de sérieux impacts sur le droit au respect de sa vie privée, les droits judiciaires et les libertés fondamentales. Elle risque également de porter atteinte à l’exercice en pleine égalité de ces droits et libertés et d’ainsi, avoir des effets discriminatoires.

À ce sujet, la Commission recommande que l’usage des technologies de l’information par les services de police soit soumis à une évaluation des impacts relatifs aux droits et libertés de la personne garantis par la Charte et que cette évaluation fasse l’objet d’une supervision externe par un tiers indépendant.

La quatrième partie du mémoire de la Commission touche ensuite différents enjeux relatifs à l’organisation des services policiers : la desserte policière, le recrutement et la dotation, la mise en œuvre des programmes d’accès à l’égalité en emploi de même que la formation.

Concernant les pratiques de recrutement et de dotation des services de police, la Commission s’attarde notamment à la question particulière des examens médicaux préembauche et de la discrimination fondée sur le handicap. Nous recommandons que les services de police révisent leurs processus de sélection afin de s’assurer qu’ils respectent la Charte en ce qui a trait aux questions ou évaluations des candidats et candidates relatives à leur état de santé. Le Tribunal des droits de la personne vient d’ailleurs de confirmer la position de la Commission en la matière.

Nous recommandons aussi que les services de police s’assurent que leurs pratiques de dotation et d’évaluation de rendement du personnel, pour toutes les catégories d’emplois, tiennent compte des compétences antiracistes et interculturelles, notamment celles en lien avec le respect des droits et libertés de la personne. 

Toujours au chapitre relatif à l’organisation policière, la Commission s’attarde également aux enjeux liés à la mise en œuvre des programmes d’accès à l’égalité en emploi. À ce sujet, la Commission recommande notamment que les services de police mettent en place des mesures appropriées pour atteindre et, voire dépasser, les objectifs de représentation des membres des cinq groupes visés prévus par la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans des organismes publics. De plus, les services de police devraient analyser, réviser et corriger les règles, les pratiques et les processus de décision à tous les niveaux du système d’emploi en tenant compte du caractère historique, systémique et intersectionnel de la discrimination et du racisme. De concert avec les syndicats concernés, les services de police devraient en outre mettre en place des mesures spécifiques pour améliorer la progression et la promotion en emploi des membres des groupes visés de sorte que ceux-ci soient adéquatement représentés dans toutes les catégories professionnelles.

S’agissant par ailleurs de la formation, la Commission recommande que les programmes de formation des futurs policiers et futures policières comportent un volet sur l’éducation aux droits et libertés. Celui-ci devrait plus particulièrement aborder les thèmes suivants : le racisme et la discrimination systémiques, le profilage racial, le profilage social et autres profilages discriminatoires, les enjeux relatifs au traitement policier des actes haineux, la sensibilisation à la détection des abus chez les personnes âgées et aux recours disponibles ainsi que les formes de violences sexuelles et la violence conjugale, les préjugés qui persistent en cette matière ainsi que le traitement sociojudiciaire de ces violences.

De même, la Commission recommande que les services de police dispensent à l’ensemble de leur personnel une formation continue obligatoire sur l’éducation aux droits et libertés protégés par la Charte, et abordant les mêmes thèmes.

Ces formations initiales et continues doivent être obligatoires, assorties d’une évaluation des acquis et régulièrement revues afin que leurs contenus correspondent au contexte social et juridique actuel. Elles devraient en outre être définies avec la participation des personnes concernées.

Enfin, dans la cinquième et dernière partie de son mémoire, la Commission s’attarde à l’enjeu crucial de la confiance du public envers les services de police. Retenons d’ailleurs que la réflexion amorcée par le Comité se tient dans le contexte où d’importantes mobilisations appellent à mettre fin au racisme et la discrimination systémiques ainsi qu’au profilage racial. Ces mobilisations font suite à la mort de George Floyd aux États-Unis en mai 2020, mais aussi à celle d’autres personnes racisées et personnes autochtones survenues au Québec lors d’interventions policières. Il s’agit d’autant d’événements venus éroder la confiance du public envers les services de police.

Cette méfiance se traduit entre autres par des phénomènes de non-report d’infractions ou d’actes criminels, de non-recours à l’aide des services de police en cas de besoin et de sous-protection des membres de certaines communautés lorsqu’elles sont victimes d’infractions ou de crimes.

Il s’agit de constats graves qui rappellent notamment la nécessité des mécanismes de reddition de compte. Parmi ceux-ci, citons l’incontournable collecte de données. La définition d’indicateurs et la collecte de données, effectuées conformément à la Charte, doivent permettre de dresser un état des lieux exhaustif quant à l’impact discriminatoire des normes, politiques et pratiques policières. Un tel portrait est aussi essentiel pour identifier les actions à prendre, mesurer les résultats obtenus et rendre compte de ceux-ci. La Commission formule une recommandation à cet égard.

Toujours au chapitre des mécanismes de reddition de compte, le mémoire de la Commission porte en outre sur le délai de prescription prévu à la Loi sur les cités et villes pour les recours entrepris en matière de discrimination, les améliorations nécessaires au BEI, la question de la professionnalisation des policiers et policières de même que l’institution de commissions de surveillance civile.

Nous vous remercions de votre attention et demeurons disponibles pour répondre à vos questions.

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