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25 mai 2021Lettres et allocutions

Des constats intolérables que nous ne pouvons plus ignorer

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse reconnaît et dénonce le racisme et la discrimination systémiques dont sont victimes les personnes autochtones dans leurs relations avec les institutions, y compris dans le système de santé. Aussi, elle appelle le gouvernement du Québec à faire montre de leadership et à agir afin d’entreprendre une réelle et authentique démarche de réconciliation avec les nations autochtones en répondant notamment aux appels à l’action de la Commission Viens.

Cette lettre ouverte a été publiée dans le site de Radio-Canada le 28 mai 2021.

L’actualité des dernières semaines nous a présenté les récits troublants de concitoyens et concitoyennes autochtones qui ont eu le courage de rapporter leurs expériences traumatiques dans le système de santé du Québec. Des personnes de différentes nations, principalement des femmes, ont raconté avoir été stérilisées sans leur consentement et leur peur d’accoucher dans un hôpital. Des mères ont relaté le signalement fait à la DPJ dès la naissance de leur bébé ainsi que les tests de dépistage non justifiés qu’a subis leur nourrisson. Des hommes et des femmes ont volontairement refusé des traitements pouvant améliorer leur condition par peur d’être soignés par le personnel hospitalier de leur région.

Ces récits troublants sont semblables à ceux que nous avons entendus à de nombreuses reprises lors des audiences de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec, la Commission Viens. Ces constats intolérables sont décriés depuis longtemps. Collectivement, nous ne pouvons tout simplement plus les ignorer.

La Commission Viens a mis en lumière la discrimination systémique vécue par les personnes autochtones, notamment dans le système de santé québécois. Comme l’a affirmé le Juge Viens dans le rapport final de la Commission d’enquête : « Plus encore que leurs droits, c’est la dignité de milliers de gens qui est ainsi spoliée, parce qu’ils sont maintenus dans des conditions de vie déplorables, en marge de leurs propres référents culturels. Dans une société développée comme la nôtre, ce constat est tout simplement inacceptable. »

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse reconnaît et dénonce le racisme et la discrimination systémiques dont sont victimes les personnes autochtones dans leurs relations avec les institutions, y compris dans le système de santé. Nous appelons le gouvernement du Québec à faire montre de leadership et à agir en conséquence afin d’entreprendre une réelle et authentique démarche de réconciliation avec les nations autochtones. Conséquemment, il est impératif que le gouvernement réponde aux appels à l’action de la Commission Viens, notamment :

APPEL À L’ACTION no. 74

Modifier la Loi sur les services de santé et les services sociaux et la Loi sur les services de santé et de services sociaux pour les autochtones cris pour y enchâsser la notion de sécurisation culturelle, et ce, en collaboration avec les autorités autochtones.

APPEL À L’ACTION no. 98

Émettre une directive à l’intention des établissements de santé et de services sociaux officiant en milieu urbain afin d’établir des corridors de service et des protocoles de communication clairs avec les autorités autochtones dans la communauté.

L’inaction peut compromettre le droit à la vie, à la sûreté et à l’intégrité des personnes autochtones, comme en témoignent les récits abordés en ouverture de cette lettre. Largement documentés, les obstacles systémiques auxquels les nations autochtones continuent de se heurter dans le domaine de la santé et des services sociaux ont pour effet de conduire à des disparités de santé considérables et persistantes par rapport à l’ensemble de la population québécoise. La crainte et le manque de confiance face au système de santé observés chez les personnes autochtones peuvent donc conduire à des situations tragiques sur le plan humain. Il est urgent de combler ce fossé qui compromet la santé et le bien-être des personnes autochtones.

Par ailleurs, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, reconnaît le droit des peuples autochtones d’avoir accès « sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé » et « le droit, en toute égalité, de jouir du meilleur état possible de santé physique et mentale ». Il est de la responsabilité des États de prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer progressivement la pleine réalisation de ce droit.

Nous invitons également la population québécoise à s’informer afin de mieux comprendre les réalités douloureuses vécues par les peuples autochtones et à faire preuve de bienveillance et d’écoute à leur égard. Nous devons reconnaitre les souffrances vécues par les nations Abénaquis/Waban-Aki, Algonquins/Anishinabeg, Atikamekw Nehirowisiwok, Cris/Eeyou, Huron-Wendats, Inuit, Innus, Malécites/Wolastoqiyik, Micmacs/Mi’gmaq, Mohawks/Kanien’kehà : ka et Naskapis. Différents outils et différentes initiatives existent pour aider à la compréhension de l’histoire et des réalités que ces peuples ont vécues. L’ouvrage Mythes et Réalités sur les peuples autochtones co-édité par la Commission et l’Institut Tshakapesh en est l’un d’eux. Au moment où les peuples autochtones prennent la parole pour défendre leurs droits, il est aujourd’hui plus que jamais possible de créer des espaces de dialogue et de collaboration empreints d’authenticité et de respect pour permettre à la confiance de se développer et de se solidifier entre nations.

En terminant, nous espérons que l’enquête publique du Coroner qui est en cours saura donner à la famille de Joyce Echaquan et à la communauté de Manawan des réponses sur la situation vécue par cette femme Atikamek et sur son décès. Nous souhaitons également que cette enquête, combinée à la mise en lumière de ces enjeux dans l’actualité et la multiplication des témoignages, conduisent à de réels changements.

Nous avons le devoir de poursuivre la défense des droits des peuples autochtones.

 

Philippe-André Tessier, président
Myrlande Pierre, vice-présidente responsable du mandat Charte
Suzanne Arpin, vice-présidente responsable du mandat jeunesse


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
25 mai 2021