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2 décembre 2022Lettres et allocutions

Allocution lors du dépôt du Rapport d’activités et de gestion 2021-2022

Voici le texte de l'allocution de Philippe-André Tessier et Myrlande Pierre, respectivement président et vice-présidente responsable du mandat Charte de la Commission, lors du dépôt du Rapport d’activités et de gestion 2021-2022 à l'Assemblée nationale le 2 décembre 2022 à Québec.

Merci de vous joindre à nous. Votre présence est appréciée. C’est un plaisir de se retrouver en personne après deux années de conférence de presse à distance.

Je [Philippe-André Tessier] suis accompagnée de Myrlande Pierre, vice-présidente de la Commission responsable du mandat Charte. Suzanne Arpin, vice-présidente responsable du mandat jeunesse, ne peut être présente aujourd’hui pour des raisons hors de son contrôle. Je tiens à souligner son importante contribution au travail de la Commission. Pour aujourd’hui, Mme Pierre et moi répondrons aux questions qui concernent le volet jeunesse.

Nous allons vous résumer les faits saillants de notre Rapport d’activités et de gestion 2021-2022, déposé plus tôt ce matin, qui couvre la période du 1er avril 2021 au 31 mars 2022. Nous allons d’abord aborder nos quatre grands mandats et vous pourrez constater l’immense travail accompli par toutes nos équipes pour la protection des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Nous traiterons ensuite du volet promotion et défense des droits, en mettant l’accent sur deux questions interreliées qui nous préoccupent énormément : le racisme systémique et le profilage racial.

J’aimerais débuter en remerciant les élèves de l’école primaire Au-pied-de-la-montagne, de Montréal, pour avoir illustré notre rapport avec leurs merveilleux dessins. Nous avons prévenu ces enfants et leurs parents que notre rapport allait être remis ce matin par la Commission à la présidente de l’Assemblée nationale pour dépôt, et que nous allions le présenter lors d’une conférence de presse retransmise sur le site Web de l’Assemblée nationale. Il est donc possible que quelques-uns d’entre eux et elles nous regardent actuellement. Nous les saluons.

En feuilletant notre rapport, vous constaterez que la nouvelle génération a énormément de talent, et qu’elle est très éveillée en ce qui concerne la revendication de ses droits. C’est là une excellente nouvelle.

Pour revenir à notre bilan, certains enjeux d’actualité ont marqué 2021-2022, dont le contexte sanitaire qui a généré un nombre record d’appels et de demande d’informations en lien avec les droits et libertés en temps de pandémie. La question du racisme et du profilage racial a également été centrale dans nos actions en 2021-2022. En protection des droits de la jeunesse, nous avons ouvert un nombre record d’enquêtes de notre propre initiative, souvent après avoir été alertée par les médias de situations de lésions de droits potentielles.

Afin d’aller plus en détail, nous allons à l’instant vous présenter et vous chiffrer les quatre grands mandats de la Commission.

La protection contre la discrimination et le harcèlement

Un premier mandat consiste à protéger les personnes contre la discrimination et le harcèlement. Dans le cadre que nous fournit la Charte des droits et libertés de la personne, nous avons reçu près de 2 300 demandes et ouvert 548 dossiers d’enquête, entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2022.

Comme pour les années précédentes, le principal motif de discrimination dans les dossiers ouverts par la Commission est le handicap, suivi du motif « race », couleur, origine ethnique ou nationale. À eux seuls, ces motifs représentent plus des deux tiers des enquêtes ouvertes par la Commission dans les secteurs du travail, du logement, des actes juridiques et de l’accès aux transports et aux lieux publics.

La discrimination pour le motif « handicap » se manifeste sous diverses formes, comme l’exclusion d’enfants dans des camps de jour, le refus de service à cause d’un chien d’assistance ou des questions interdites sur la condition médicale en contexte d’embauche.

La discrimination basée sur la « race », couleur, origine ethnique ou nationale se manifeste quant à elle surtout dans le domaine de l’emploi, le profilage racial et les propos racistes. Nous reviendrons par ailleurs sur ce point.

Concernant le temps de traitement des dossiers de discrimination ou de harcèlement, la Commission s’est fixée comme objectif d’en arriver à faire connaître sa décision à la personne plaignante dans un délai de 15 mois suivant le dépôt de la plainte.

Pour donner un portrait plus juste des délais réels pour traiter nos dossiers, nous avons revu la façon de présenter les données. Ainsi nous calculons maintenant la durée de traitement de tous les dossiers à partir de la réception de la plainte jusqu’à la fermeture du dossier. Auparavant, ce calcul comprenait uniquement les dossiers qui se rendait à l’étape de l’enquête. Ce délai moyen était de 17 mois en 2021-2022, soit le même que l’année précédente.

Pourtant, certains dossiers se règlent à l’étape de l’évaluation ou de la médiation et sont ainsi fermés à la satisfaction de la personne plaignante sans se rendre à l’étape de l’enquête.

En 2021-2022, le délai moyen de l’ensemble de tous les dossiers de plainte ouverts à la Commission était donc de 8,6 mois.

La protection de l’intérêt de l’enfant et le respect de ses droits

Dans le cadre de son mandat de protection des droits des enfants, la Commission a ouvert 249 dossiers d’enquête. Sur ce nombre, 42 étaient des enquêtes de notre propre initiative, le triple de l’année précédente. La Commission est de plus en plus proactive dans ses décisions de mener une enquête, parfois après avoir été alertée par les médias d’une situation problématique réclamant lumière et action.

Durant la période couverte par notre rapport d’activités, nous avons traité et fermé 258 dossiers d’enquête. Pourquoi ferme-t-on un dossier d’enquête jeunesse? D’abord, dans la moitié des cas, parce que, après enquête, nous avons conclu à l’absence de preuves de lésion de droits. Ensuite, dans un peu moins de la moitié des cas, nous avons fermé le dossier parce que la situation a été corrigée, souvent avec une lettre d’entente pouvant contenir des recommandations de nature systémique.

Je vais vous donner un exemple de recommandation dans un dossier d’enquête jeunesse. Une adolescente qui vit en famille d’accueil avait un accès limité à ses grands-parents, parce qu’il avait été décidé que les visites devaient avoir lieu en présence d’un autre de leurs petits-enfants, qui vit dans une autre région. Le comité des enquêtes de la Commission a recommandé qu’un calendrier vienne programmer des rencontres individuelles entre l’adolescente et ses grands-parents. La famille d’accueil a également été rencontrée afin de bien leur expliquer l’importance de préserver le lien unissant l’adolescente aux personnes qui lui sont significatives.

En mai 2021, nous avons publié les conclusions de notre enquête sur les enfants Inuit hébergés dans des centres de réadaptation, qui comptait de nombreuses recommandations systémiques. C’est pourquoi nous avons conclu notamment à l’absence d’une scolarisation qualifiante et aux difficultés logistiques et cliniques rattachées à la réintégration des jeunes Inuit dans leurs communautés.

En droits de la jeunesse, notre objectif est de traiter une demande d’intervention dans un délai de six mois. Nous y sommes parvenus. Notre délai moyen était de quatre mois il y a un an et demi, et il est maintenant de trois mois. Nous l’avons donc réduit d’un mois et nous en sommes très fiers.

La défense des personnes âgées ou handicapées victimes d’exploitation

Notre 3e mandat concerne l’exploitation des personnes âgées ou handicapées et représente 7% de nos dossiers en droits de la personne. Nous avons reçu 205 demandes ou dénonciations, et après les avoir traitées, nous avons ouvert 36 dossiers d’enquête.

C’est un mandat aussi important que délicat. Lorsqu’on parle spécifiquement d’exploitation, on parle de personnes qui sont dans une situation de vulnérabilité. Ces personnes dépendent parfois de leurs proches pour gérer leurs dépenses, et d’autres fois aussi pour manger, s’habiller et mener leur vie au quotidien. Elles courent le risque d’être exploitées, le plus souvent au niveau économique, par les gens desquels elles dépendent. Dans certains cas, nos enquêtes mènent à une poursuite devant le Tribunal des droits de la personne.

Un exemple : nous avons remporté une cause d’exploitation en décembre 2021. Le Tribunal a conclu que la fille de la victime a isolé sa mère du reste de sa famille, l’a dépossédée de sa résidence en ayant recours à des stratagèmes avec différents notaires, a abusé de sa procuration bancaire et l’a négligée sur les plans physique et psychologique. Le Tribunal a octroyé les pleins dommages demandés, à savoir 595 000 $ pour la perte matérielle, 25 000 $ pour dommages moraux et 5 000 $ pour dommages punitifs. L’exploitation est une bien triste réalité.

Notre mission est de combattre l’exploitation. Nous enquêtons, nous représentons les victimes devant le Tribunal, et nous menons aussi des campagnes de sensibilisation dans les médias.

Nous avons lancé à la fin de l’année, la première phase d’une campagne sur la bientraitance envers les personnes aînées, notamment par la diffusion de deux messages radiophoniques à travers le Québec. Ces messages faisaient la promotion de deux gestes très simples de bientraitance envers les personnes âgées vivant en RPA : cogner à la porte avant d’entrer (donc le droit à la vie privée protégée par la Charte) et bien expliquer à la personne les frais qu’on lui charge à chaque mois (le droit à l’information). Nous venons d’ailleurs de lancer, plus tôt cette semaine, la deuxième phase de cette campagne.

L’accès à l’égalité en emploi dans des organismes publics

Le 4e mandat, la Commission accompagne et surveille 338 organismes publics dans leurs efforts pour représenter de façon plus équitable cinq groupes historiquement victimes de discrimination en emploi, soit les femmes, les personnes autochtones, les minorités visibles, les minorités ethniques et les personnes handicapées. De ces cinq groupes, tous ont enregistré de légères avancées, sauf les personnes autochtones, dont le taux de représentation est demeuré stable à 0,4% depuis des années.

La Commission a innové en publiant le premier d’une série de rapports annuels dédiés à chacun des cinq groupes visés par la Loi sur l’accès à l’égalité en emploi. Le premier rapport a été consacré aux enjeux que rencontrent les personnes handicapées dans la recherche d’un emploi ou d’une promotion professionnelle. Dans ce premier rapport annuel, nous abordons trois catégories d’obstacles : les obstacles physiques, organisationnels et comportementaux.

Le prochain rapport, qui sera publié prochainement, abordera la représentation des minorités visibles dans des organismes publics.

Défense et promotion des droits de la personne

Nous allons maintenant aborder le volet défense et promotion des droits de la personne. Je vous rappelle qu’en vertu de la Charte, la Commission a un mandat d’information et d’éducation, destiné à faire comprendre et accepter l’objet et les dispositions de la Charte.

La Commission a continué à être sollicitée pour tous ses mandats et nous avons atteint un nouveau record sur les médias sociaux, avec près de 6,5 millions de visionnements de nos vidéos, une hausse de 227 % par rapport à l’année précédente. Le nombre de séances d’éducation données a augmenté de 50 % pour la même période. Plus de 5 000 personnes ont participé aux 173 séances données par les conseillers et conseillères de la Commission, en plus de toutes les personnes qui ont utilisé les outils d’autoformation.

La Commission est très active dans la lutte contre la discrimination sous toutes ses formes. Le racisme systémique et le profilage racial sont notamment des questions sur lesquelles nous travaillons sans relâche. Ce sont deux sujets interreliés, pour lesquels nous possédons une vaste expertise, dont je vais maintenant vous entretenir.

Lors de la dernière année financière, nous avons ouvert 69 dossiers d’enquête pour profilage racial. Et plus récemment, nous avons accueilli très favorablement la décision historique de la Cour supérieure du Québec qui interdit les interceptions routières sans motif réel.

Par ailleurs, la Commission collabore avec le ministère de la Sécurité publique, le Commissaire à la déontologie policière et l’École nationale de police du Québec pour offrir, dès l’an prochain, une formation aux corps policiers du Québec. Cette formation vise à contrer le racisme et le profilage racial et social en prenant en compte le cadre légal de la Charte. Nous nous sommes associés à des partenaires qui connaissent la réalité concrète du travail des policiers et des policières pour assurer une meilleure représentation et intégration des besoins, des préoccupations et des réalités policières au cursus.

La lutte contre le racisme est l’une des priorités de la Commission. Notre formation Le racisme vu sous l’angle des droits de la personne est d’ailleurs notre plus populaire. Nous l’avons donnée à 41 reprises durant la dernière année. Nous l’avons, entre autres, dispensée à plus de 375 gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux. Ce qui, nous l’espérons, signifie qu’un nombre croissant de Québécoises et de Québécois prennent conscience que les biais et les stéréotypes peuvent provoquer des situations discriminatoires

La Commission mène sa lutte contre le racisme de plusieurs manières, entre autres par la formation et des campagnes de sensibilisation, mais également par des travaux de recherche qui permettent de faire avancer le débat social et la réflexion.

Durant l’exercice financier 2021-2022, nous avons publié un cadre de réflexion sur la notion de « racisme systémique», un terme qui s’est imposé à la fin de la précédente décennie. Si la Commission reconnaît et dénonce le racisme systémique, il nous apparaissait nécessaire de chercher à préciser ce que désigne ce concept dans la mesure où il est demeuré peu ou inadéquatement défini, afin qu’il soit mieux compris. Bien comprendre et circonscrire un phénomène représente un préalable incontournable pour s’y attaquer efficacement.

Le document de réflexion que nous avons rédigé ne prétend pas mettre un terme à la discussion publique, mais plutôt fournir des éléments de définition associés à cette notion.

Notre service de recherche a analysé 55 projets de loi pour évaluer leur conformité avec la Charte et recommander au besoin des modifications ou ajouts, dont certains touchent la problématique du racisme.

Par exemple, la Commission a produit un mémoire sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire, qui recommande entre autres d’inclure une formation antiraciste et interculturelle pour les personnes en situation d’autorité, de tenir compte du fait que l’accès à l’université pour les peuples autochtones est toujours marqué par le contexte colonial et que des groupes spécifiques, comme les personnes des communautés noires, rencontrent encore malheureusement des obstacles. Il est important de souligner que les institutions sont encore traversées par des rapports de pourvoir inégalitaires et des rapports d’oppression.

Une de nos grandes activités annuelles est la remise du Prix Droits et Libertés. En décembre 2021, dans le contexte pandémique que vous connaissez bien, nous avons remis le Prix de façon exceptionnelle à l’ensemble des travail­leuses et des travailleurs de la santé pour leur courage, leur engagement et leurs efforts essentiels pour sauvegarder notre droit à la vie, à la santé et à la dignité (article 1 de notre Charte). Car ce sont bel et bien les travailleurs et travailleuses de la santé qui ont porté ces droits sur leurs épaules au plus fort de la crise, et qui continuent de le faire. Au-delà des soins, ces personnes se sont engagées pour notre dignité et notre humanité.

J’en profite pour souligner que la cérémonie du Prix Droits et Libertés 2022 aura lieu la semaine prochaine et portera sur un autre sujet d’actualité, l’environnement. Sous le thème "Notre planète, Nos Droits", le Prix vise à promouvoir le droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité, article 46.1 de la Charte. 

Pour ce qui est de notre volet judiciaire, une décision qui a fait grand bruit dans la dernière année est celle de la Cour suprême du Canada dans le dossier opposant Ward à la Commission rendue publique en octobre 2021. Le plus haut tribunal du pays a accueilli l’appel de Mike Ward, une majorité des juges affirmant que la Commission et le Tribunal des droits de la personne interprétaient trop largement la notion de dignité énoncée à l’article 4 de la Charte. Nous avons analysé rigoureusement le jugement pour conclure à la nécessité de recentrer le traitement des plaintes liées aux propos allégués comme discriminatoires. L’arrêt Ward nous a donc forcés à fermer certains dossiers en cours de traitement. Nous avons pris le temps d’informer chacune des personnes plaignantes touchées par ce type de dossiers.

Depuis la décision de la Cour Suprême, nous avons reçu 189 plaintes pour des « propos jugés discriminatoires ». Nous n’observons pas de baisse du nombre de plainte sur cette catégorie. Nous avons dû fermer jusqu’à maintenant 194 dossiers de propos des suites de l’arrêt Ward. Il est très important de souligner que 73% de ces dossiers concernent le motif « race », couleur, origine ethnique ou nationale, donc des propos racistes. Pour nous, de tels propos demeurent totalement inacceptables, bien que nous ne pussions plus légalement faire enquête dans plusieurs de ces cas.

Toujours en ce qui concerne le volet judiciaire, nous avons gagné un jugement en Cour d’appel dans lequel nous représentions les étudiants embauchés par l’Aluminerie Bécancour. Le Tribunal des droits de la personne avait estimé que les étudiants font un travail équivalent à celui des employés occasionnels ou réguliers, alors qu’ils recevaient un salaire moindre. Dans un jugement unanime, la Cour d’appel conclut qu’ABI a discriminé les étudiants qui travaillaient pour elle, en raison de leur condition sociale et de leur âge, en leur offrant un salaire moindre pour un travail équivalent.

En conséquence, ABI devra compenser les pertes salariales subies par les étudiants en raison de la discrimination dont ils ont été victimes. ABI devra aussi payer 1 000 $ à chaque étudiant à titre de dommages moraux. Au moment du procès, 157 étudiants avaient déposé une plainte et auront droit à une réparation pécuniaire. Le montant total est estimé entre 1 et 2,5 M $.

Voilà donc un aperçu de tout le travail que nous faisons afin de promouvoir et défendre les droits de toutes les personnes qui se trouvent au Québec.

Avant de passer à la période de questions, un dernier point. Nous ne pourrions faire le bilan de cette année sans mentionner l’octroi en décembre 2021 d’un important budget supplémentaire pour les cinq prochaines années qui reconnaît notre expertise et notre rôle comme institution clé dans la défense et la promotion des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Cet ajout de ressources financières nous permettra notamment de poursuivre notre lutte contre la discrimination et le racisme avec plus d’efficacité, de travailler à la réduction des délais ainsi que de réaliser la stratégie de régionalisation.

Merci. 


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