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14 juin 2019Lettres et allocutions

Projet de loi 21 : le débat n’est pas clos

Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à adopter le projet de loi 21, la Commission tient à rappeler ses inquiétudes concernant l’impact de ce projet de loi. L’une de ces préoccupations concerne la façon dont celui-ci viendrait traduire la laïcité de l’État.

Lettre ouverte publiée le 14 juin 2019 dans le journal Le Soleil.

Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à adopter le projet de loi 21, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse tient à rappeler ses inquiétudes concernant l’impact de ce projet de loi. L’une de ces préoccupations concerne la façon dont celui-ci viendrait traduire la laïcité de l’État.

Déroger à la Charte québécoise pour suspendre l’ensemble des droits et libertés de la personne pour l’application du projet de loi, illustrerait d’ailleurs la contradiction entre l’objectif de la laïcité et les moyens ici choisis. Rappelons que c’est sur les principes de la Charte que s’appuient les tribunaux depuis de nombreuses années pour affirmer et réaffirmer la laïcité et la neutralité religieuse de l’État québécois. Plutôt que de déroger à la Charte, la priorité devrait être la sauvegarde et la promotion des droits et libertés.

Les commentaires entendus lors de la commission parlementaire confirment par ailleurs qu’il faut agir avec prudence. Certes, la consultation a démontré qu’une majorité des intervenants, incluant la Commission, est en faveur de l’inscription de la laïcité dans une loi. Il est toutefois apparu évident qu’il n’existe pas de consensus au Québec au sujet de l’interdiction des signes religieux.

Plus important encore, la commission parlementaire a confirmé qu’il n’existe pas, au Québec, de véritable enjeu en nécessitant l’interdiction. En témoigne notamment une demande d’accès à l’information déposée par la Centrale des syndicats du Québec - qui représente près de 125 000 membres dans le secteur de l’éducation - qui a permis de dénombrer, depuis 2016, une seule plainte visant un enseignant en raison du port de signes religieux dans les 48 commissions scolaires qui ont répondu à cette demande. La centrale expliquait d’ailleurs que cette plainte a été réglée en quelques jours, confirmant que le devoir de réserve et l’interdiction de prosélytisme sont déjà encadrés par la législation et le contrat de travail des enseignants.

Ainsi, le fait que des enseignants et des enseignantes portent un signe religieux ne « reconfessionnalise » pas le système scolaire. La Commission l’a exposé dans son mémoire : la déconfessionnalisation du système d’éducation a mis fin aux liens organiques et institutionnels entre l’école et les religions catholique et protestante. Ce processus de déconfessionnalisation a par ailleurs été arrimé aux principes d’égalité et de liberté de conscience et de religion protégés par la Charte québécoise. D’aucune manière, il n’a visé à encadrer l’apparence des personnes qui y travaillent puisqu’il ne s’agit pas en soi d’un indice de neutralité et d’impartialité.

Enfin, les consultations entourant le projet de loi 21 ont mis en lumière le risque d’engrenage que ce projet comporte. Plusieurs intervenants ont en effet réitéré leur désir de voir élargi le champ d’application du projet de loi et multiplié les secteurs et les acteurs qu’il engloberait, sans égard à l’importance des atteintes aux droits et libertés et à la nécessité de justifier celles-ci.

Les tensions et le malaise par rapport à l’expression publique de la religion se sont d’ailleurs accentués au cours des dernières années, ce qui a des effets directs auprès des membres de certaines communautés. Il ne s’agit pas de nier ce malaise qui peut être ressenti par une certaine partie de la population, au contraire. Il est cependant permis de douter que l’adoption du projet de loi vienne clore le débat.

C’est pourquoi un renvoi du gouvernement à la Cour d’appel du Québec quant à la conformité à la Charte québécoise des mesures prévues par le projet de loi permettrait en outre de statuer sur les exigences qui découlent de la laïcité de l’État dans le respect des droits et libertés protégés par la Charte. Compte tenu des enjeux en cause et des risques d’atteinte aux droits, c’est la mesure modérée qui s’impose.

Philippe-André Tessier
Président
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

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