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October 29, 2024Letters and speeches

50 ans plus tard : une Charte pour le Québec

« Quelle évolution souhaitons-nous collectivement pour la Charte au 21e siècle ? », demande Philippe-André Tessier, président de la Commission des droits, dans cette lettre ouverte publiée le 29 octobre 2024 par le journal Le Devoir.

Il y a 50 ans, le 29 octobre 1974, le ministre de la Justice Jérôme Choquette déposait à l’Assemblée nationale un projet de loi sur les droits et libertés de la personne. Ce projet de loi donna naissance à la Charte des droits et libertés de la personne, notre loi fondamentale et quasi constitutionnelle, qui se voulait selon le communiqué de presse en faisant l’annonce « le symbole des valeurs de la société québécoise ». Sous l’impulsion de la Charte, l’idée de l’égalité a fait son chemin et l’inclusion de toutes et tous est devenue un objectif partagé.

En 50 ans, la société québécoise a beaucoup évolué. Ce qui demeure, c’est l’attachement profond de notre société aux principes démocratiques et aux valeurs de liberté et d’égalité, portées par la Charte. Ce qui demeure aussi, c’est l’importance de concilier les droits et libertés individuelles et les droits collectifs. Le tout premier slogan de la Commission des droits, lancé en octobre 1976, était : « Vous avez le droit, les autres aussi » en référence au préambule de la Charte qui affirme que les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et libertés d’autrui et du bien-être général. Dans le Québec pluriel d’aujourd’hui, l’équilibre entre les droits, un pilier de notre société démocratique, est source de nombreux débats dans l’espace public et constitue un défi sans cesse à relever.

Alors que les valeurs portées par la Charte sont restées les mêmes, le contenu s’est bonifié. Dès la première année de son application, le premier président de la Commission, René Hurtubise, en disait ceci : « La Charte demeure aux yeux des commissaires un outil fonctionnel, dynamique et perfectible, ce qui implique une approche évolutive. ». Cette vision a permis au Québec d’adopter en 1977 la première loi au Canada interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Le handicap, la grossesse et l’âge ont par la suite été ajoutés aux motifs interdits de discrimination, ainsi que plus récemment l’identité et l’expression de genre.

Certaines bonifications à la Charte ont renforcé des valeurs importantes de la société québécoise, telles que l’égalité entre les femmes et les hommes, la laïcité de l’État et le français comme langue commune. Nous croyons toujours en la nécessité de garder la Charte vivante, adaptée à l’avancement du droit et de la société québécoise. C’est ainsi que la Charte est et restera un instrument à l’image du Québec dans toutes ses particularités. Elle nous permet d'édifier une société plus libre, plus égalitaire et plus juste, à notre manière.

On reconnait les démocraties à leur capacité de protéger l’égalité et la liberté de leur population. En l’absence de cette égalité, certaines personnes sont forcées de dépendre des autres, se trouvant ainsi en situation de vulnérabilité. L’égalité s’appuie sur la reconnaissance du principe que chaque personne bénéficie des mêmes droits et que nous sommes toutes et tous égaux devant la loi, mais l’égalité réelle demeure un chantier permanent.

Depuis sa création, la mission de la Commission des droits est de travailler à la concrétisation des valeurs et des principes chers à notre société. Certaines discriminations qu’elle avait alors identifiées, pensons par exemple aux pratiques demandant aux femmes mariées le nom de leur mari pour obtenir certains services publics ou à la demande de dépôt en argent aux personnes immigrantes pour avoir des services d’électricité sont bel et bien du passé. Toutefois, d’autres enjeux de l’époque sont encore d’actualité, comme l’accès à un logement décent pour tous et toutes qui a fait l’objet de la première prise de position publique de la Commission.

De nouvelles préoccupations émergent, telles que les multiples menaces au droit à la vie privée qui accompagnent des innovations technologiques et les changements climatiques comme obstacle à l’égalité. Les valeurs de la Charte sont au cœur du travail de la Commission, mais la responsabilité de leur protection et de leur réalisation incombe également à toute la population. Elle s’exerce au quotidien dans les rapports que nous entretenons entre nous. La Charte s’incarne dans le respect que nous avons les uns pour les autres, quelle que soit notre situation, ainsi que dans la capacité de poursuivre le dialogue social. Tout cela nécessite confiance et respect dans la Charte, mais aussi dans les institutions chargées de son application.

Et maintenant, quelle évolution souhaitons-nous collectivement pour la Charte au 21e siècle ? Plusieurs propositions ont été émises au fil des années, tant par la Commission que par des acteurs publics ou encore de la société civile. La reconnaissance de la nature fondamentale des droits économiques et sociaux, l’ajout du droit à la santé et du droit au logement, une place plus affirmée aux droits des enfants et une reconnaissance formelle de l’interculturalisme et des droits culturels, sont autant de pistes à considérer en cette année des cinquante ans de notre Charte.


Philippe-André Tessier
Président
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse