site de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse Guide virtuel : Traitement d'une demande d'accommodement
 

Droit à l’égalité, discrimination et accommodement raisonnable

L’obligation d’accommodement raisonnable découle de la mise en oeuvre du droit à l’égalité et des dispositions antidiscriminatoires inscrits à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. En effet, son article 10 consacre le droit à l’égalité et prévoit 14 motifs interdits de discrimination. En voici le libellé :

Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence, fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'identité ou l'expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge, sauf dans la limite prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

En connaître davantage au sujet des motifs interdits de discrimination. Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.

Pour qu’une personne soit reconnue victime de discrimination, elle doit pouvoir démontrer :

  • (1) qu’elle subit une distinction, une exclusion ou une préférence,
  • (2) fondée sur l’un des 14 motifs inscrits à l’article 10 de la Charte (voir ci-haut),
  • (3) qui a pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne1, appartenant à l’une ou l’autre des catégories de droits et libertés inscrites à l’intérieur de la Charte québécoise :
    • libertés et droits fondamentaux (art. 1 à 9)
    • droit à l’égalité (art. 10 à 20.1)2
    • droits politiques (art. 21 et 22)
    • droits judiciaires (art. 23 à 38)
    • droits économiques et sociaux (art. 39 à 48)

Pour des exemples illustrant le test en trois étapes de l’article 10 de la Charte. Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.

Au Québec, sont tenus de se conformer à la Charte des droits et libertés de la personne :

  • les individus dans leurs rapports privés;
  • les groupes et les organismes avec ou sans but lucratif;
  • les services, publics ou privés3;
  • le gouvernement du Québec, ses institutions, à tous les échelons de la hiérarchie, ses administrations gouvernementales (provinciales, municipales, scolaires, etc.) et ses représentants.

En principe4, la législation du Québec doit être conforme à la Charte québécoise sous peine d’être déclarée inapplicable.

En connaître davantage au sujet des articles complémentaires de la Charte en matière de lutte à la discrimination. Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.

Par ailleurs, dans certains cas, l’exigence professionnelle justifiée pourra limiter l’exercice du droit à l’égalité. En effet, lorsque les qualités ou les aptitudes requises pour un emploi le justifient, un employeur peut invoquer l’article 20 de la Charte et se soustraire de l’application de l’article 10,

En connaître davantage sur l’exigence professionnelle justifiée. Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.

C’est en 1985, avec le jugement O’Malley, que la Cour suprême introduit l’obligation d’accommodement raisonnable. Pierre Bosset en donne la définition suivante :

Obligation juridique, applicable dans une situation de discrimination, et consistant à aménager une norme ou une pratique de portée universelle, dans les limites du raisonnable, en accordant un traitement différentiel à une personne qui, autrement, serait pénalisée par l’application d’une telle norme5.

L’obligation d’accommodement reconnaît l’effet discriminatoire que certaines normes, règles ou pratiques – neutres au départ – produisent néanmoins sur un individu ou une catégorie d’individus. Il est important de se rappeler qu’il n’y a nul besoin d’intention de discrimination pour causer un traitement discriminatoire.

En connaître davantage sur les formes de discrimination. Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.

Les mesures d’accommodement visent à redresser une situation de discrimination. L’accommodement raisonnable remet en question l’idée selon laquelle un traitement identique permet toujours et en toutes circonstances d’assurer un traitement égal, au sens de l’article 10. Une exception à la règle est parfois nécessaire afin d’assurer l’exercice d’un droit sans discrimination (droit au travail, à l’éducation, au logement, etc.).

Il existe une obligation d’accommodement lorsque ces deux conditions sont réunies :

  • il y a discrimination prohibée en lien avec l’un des 14 motifs interdits de discrimination Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.;
  • l’accommodement demandé est raisonnable, c’est-à-dire qu’il n’a pas pour effet d’imposer une contrainte excessive.

Ainsi, lorsque ces deux conditions seront remplies, l’accommodement doit être accordé. Il peut prendre deux formes :

  • Idéalement, on modifiera certaines pratiques et règles générales de fonctionnement, de manière à les rendre plus inclusives.
  • Si cela s’avère impossible, on offrira des aménagements, adaptations et exemptions sur une base individuelle.

Dans tous les cas, l’accommodement raisonnable permettra entre autres de :

  • garantir des conditions d’emploi équitables;
  • offrir des chances égales de réussite;
  • assurer un traitement égalitaire à travers les services publics et privés;
  • procurer un logement adapté aux limitations des personnes;
  • prodiguer des soins adaptés aux besoins des patients.

En connaître davantage à propos de l’impact de l’accommodement raisonnable sur la pratique ou la règle générale de fonctionnement . Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.

Le concept d’égalité formelle réfère au fait d’accorder un traitement identique à toutes les personnes. Les tribunaux reconnaissent cependant que l’imposition du même traitement à tous puisse engendrer de la discrimination envers certaines personnes6. C’est pourquoi ils appliquent le concept d’égalité réelle, qui tient compte des inégalités préexistantes entre les personnes et qui conçoit qu’un traitement différent peut être nécessaire pour atteindre l’égalité.

La notion d’accommodement raisonnable se fonde sur le concept d’égalité réelle.

 

Notes

  1. Johnson c. Commission des affaires sociales, [1984] C.A. 61 (décision en pdf); Forget c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 90, par. 10; Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 ; Devine c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 790, par. 33 ; Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525, 538.]
  2. À l’exception de l’article 18.2 qui est un droit autonome.
  3. Sous réserve des exceptions pour les secteurs d’activités relevant de la compétence fédérale tels les télécommunications, la radiodiffusion, le camionnage, la marine marchande, les chemins de fer et les autres moyens de transport d’une province à l’autre ou d’un pays à l’autre, l’aviation, les banques, l’énergie nucléaire, les activités connexes à la navigation maritime et à la marine marchande et les entreprises locales au Yukon et au Nunavut, de même que dans les Territoires (où tout le secteur privé est de compétence fédérale). En effet, la Loi canadienne sur les droits de la personne s’applique à ces secteurs d’activités.
  4. Voir l’article 52 de la Charte québécoise: « Aucune disposition d'une loi, même postérieure à la Charte, ne peut déroger aux articles 1 à 38, sauf dans la mesure prévue par ces articles, à moins que cette loi n'énonce expressément que cette disposition s'applique malgré la Charte. »
  5. Pierre Bosset, « Les fondements juridiques et l’évolution de l’obligation d’accommodement(PDF, 186Ko). », dans Myriam Jézéquel (dir.), Les accommodements raisonnables : quoi? comment? jusqu'où? Des outils pour tous, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, 3, p. 10.
  6. Weatherall c. Procureur général du Canada, [1993] 2 R.C.S. 872, 877; Vriend c. Alberta, [1998] 1 RCS 493, 539 (par. 76); Forget c. Procureur général du Québec, [1988] 2 R.C.S. 90, 102.